SR6, écran du MJ et boîte d’initiation: deux approches, deux méthodes, le choix est vôtre !
Le présent article a pour objectif de détailler les deux écrans disponibles pour la v6 de Shadowrun. Le premier est celui de la V.O. réalisé par Catalyst et le second est celui de BBE pour la V.F.. Ces deux produits étant très différents, le but est de permettre à tout un chacun de choisir le produit qui lui convient le mieux.
La critique se termine par un retour rapide sur la boîte d’initiation V.O.
L’écran V.O. :
Le moins qu’on puisse dire c’est qu’il y a un vœu pieux derrière : la modularité. On voit qu’il a été conçu dans l’optique de s’adapter au besoin du moment. Il est de format paysage, en 4 volets. La finition est un peu décevante car les articulations des panneaux ne sont pas recouvertes.
Côté joueurs :
– 2 volets comportant une illustration de la Maison Blanche prise d’assaut, avec la tour Ares en fond. C’est plus une scène de guerre qu’autre chose. Même si c’est le ton de la campagne (cette scène est liée au plot de la v6), je trouve que ça ne fait pas très “Ombres” (enquête type “black trench-coat”)….
– 1 volet “customisable” comportant une pochette plastique pour y insérer une illustration de son choix parmi celles fournies, qui sont tirées du livre de base.
Un autre insert permet d’y placer des cartes illustrées (vendues à part), de sorte que les joueurs aient au recto une vision des PNJs qu’ils rencontrent au cours de l’aventure, le MJ ayant les stats au verso. Je reviendrai sur ces cartes juste après.
– 1 volet avec les symboles des dix corpos AAA et des glissières pour indiquer le niveau de réputation auprès de chacune d’elles, et la pression subie par l’équipe de runners …
Côté MJ :
– 2 volets seulement avec des tables réparties sans thématique particulière.
– 2 volets “customisables” aussi avec des slots pour y insérer des cartes ! Oui oui.
Comme je l’ai dit plus haut, les cartes sont vendues à part. La boîte d’initiation en contient et une extension sous forme de blister regroupe tout un tas de PNJs.
On imagine que d’autres sont prévues à plus ou moins courte échéance.
On a donc une dizaine de slots pour y insérer ces cartes.
Il est bien évidemment possible d’utiliser ses propres aides mémoires dans ces emplacements.
Chacun jugera de la pertinence de ce choix. Personnellement j’adhère moyennement car d’une part le nombre de slots me parait peu élevé, et ils sont espacés chacun d’environ 2cm, ce qui n’est pour moi pas une optimisation de l’espace disponible. De plus, je me vois mal n’avoir mon écran rempli que de PNJs. Il faudrait donc d’autres types de cartes à y insérer.
D’autre part, cela me rappelle furieusement le modèle de vente de la gamme Warhammer v3 en son temps, qui obligeait l’achat de multiples extensions pour avoir suffisamment de matériel et d’aides de jeu… typiquement américain dans l’approche mercantile, et la stratégie du “client captif”.
Alors certes, c’est bien plus léger que pour Warhammer, mais si on n’achète pas les fameuses cartes, pouvant être très utiles au demeurant, on se retrouve avec un écran à moitié vide !
Fort heureusement, l’écran est livré avec plusieurs fiches aides-mémoire format type A4, classées par catégorie (combat, magie, matrice etc) pour les règles qui ne figurent pas sur ledit écran ! Ouf !
Il y a donc ici un parti pris de proposer sur le marché un produit atypique, car il est customisable, ce qui est très rare pour les écrans dédiés à une gamme. Je trouve qu’il a les qualités de ses défauts : il permet une personnalisation que très peu de produit permettent, mais actuellement, les accessoires utilisables avec sont peu nombreux. Les plus créatifs n’y verront cependant pas d’inconvénient.
C’est sans nul doute pour toutes ces raisons et pour les difficultés de production inhérentes à ces spécificités, que l’écran de la version française est plus classique dans sa conception.
L’écran V.F. :
Il est disponible en PDF pour les souscripteurs de la précommande participative de Shadowrun v6 et arrive bientôt dans les boutiques.
La version électronique de l’écran français comporte :
- un livret de 16 pages contenant un scénario
- un écran en 4 volets format portrait
- 4 fiches de personnages prétirés
- 1 plan en deux versions (joueurs/maître de jeu)
Côté joueurs :
Une illustration originale de Benjamin Giletti, montrant les runners (issus des archétypes du livre de base) en action dans une scène de poursuite assez inhabituelle pour la gamme car elle se passe dans la baie de Seattle, avec la skyline et la fameuse “Space Needle” en toile de fond !
Côté MJ:
Les traditionnelles tables de règles. Elles brassent l’ensemble des grands thèmes: la matrice, la magie, le rigging et le combat. On pourra remarquer l’absence des armes et de résumé sur l’utilisation des points d’Atouts. Ceci s’avérera peut-être gênant en partie, à voir en pratique.
Ceci dit, la place disponible derrière l’écran étant déjà exploitée au maximum, des fiches d’aides de jeu sont prévues dans la précommande participative, gageons qu’elles comblent efficacement ces petits manques !
Les prétirés sont aux nombres de 4. C’est important, car si c’est facile de retirer un personnage (l’auteur explique comment procéder), cela demandera un peu de travail d’en ajouter, à cause du thème original proposé par le scénario (j’y reviendrai). Les personnages couvrent les grands thèmes du jeu : le traditionnel samouraï des rues (combat), le rigger (drones/véhicules), le decker (matrice) et le mage (magie/esprits). Ils sont tous illustrés eux aussi par Benjamin Giletti.
Le plan tiré à part est en deux versions: maître de jeu et joueurs. Ils sont beaux et immersifs.
Le livret de 16 pages se consacre à un unique scénario d’introduction sans aucune illustration intérieure (dommage!).
Pour rappel, le seul scénario disponible pour la V.O. accompagne la boîte d’initiation. Il n’y en a pas dans le livre de base et l’écran. Black Book éditions (le traducteur V.F.), nous fait le plaisir de combler ce manque avec le présent livret et c’est très appréciable.
Celui-ci est original à plusieurs titres. Il a été écrit par un auteur français (Romain Pelisse), il aborde un thème original et enfin, il se veut didactique.
Pour reprendre l’expression utilisée par l’auteur, le scénario a été conçu comme un tutoriel de jeu vidéo. A la première scène, les joueurs ont peu d’options et au fur et à mesure du déroulement du scénario, on ajoute des outils (règles) aux joueurs, donc de la complexité et de la profondeur. L’idée est très bonne et fonctionne très bien. Remarque, ce procédé impose une progression linéaire (adieu le bac-à-sable, bonjour le toboggan), et cela fonctionne très bien.
La deuxième grande originalité du scénario est de proposer de jouer des employés corporatistes! Bye bye les shadowrunners et bonjour les employés de bureau! Rassurez-vous, l’enjeu principal du scénario n’est pas de trouver des filtres pour la machine à soycaf’. On est plus proche de la série “24h chrono”. J’ai énormément apprécié cet angle d’approche, qui est très bien mené sur l’ensemble de l’intrigue, mais comporte tout de même deux revers. Le premier est de proposer un scénario tellement atypique par rapport à Shadowrun qu’on passe à côté du déroulement d’une mission classique. Pour les nouveaux meneurs dans les Ombres cela peut s’avérer gênant car une fois le scénario terminé, ils n’ont pas d’exemple de mission typique. Je leur conseille de se jeter sur l’excellent supplément Free Seattle qui comporte pas moins de 5 scénarios classiques mais pas trop (préférez la version française qui est beaucoup plus complète). Le deuxième écueil est l’absence d’une vraie fin. Dommage, on était si bien pris par la main au début qu’on aurait bien continué la balade. Cela ne pose aucun souci pour les maîtres de jeux bricoleurs, mais pourrait désarçonner les débutants. On aime rêver à un PDF faisant suite au scénario écrit par Romain Pelisse disponible sur Internet comme le propose souvent EDGE/FFG sur ses boîtes d’initiation.
Autre point positif, le scénario est modulable à souhait. Il s’adapte autant aux joueurs novices qu’aux vieux routards, il est jouable en one-shot ou en campagne et l’auteur nous livre plein de conseils pour nous aider à construire la meilleure version pour notre table.
Pour conclure, c’est un très bon produit qui complète très bien la gamme de la v6 et rend la traduction de la boite d’initiation beaucoup moins importante pour la suite de la gamme. Vous allez pouvoir le constater par vous-mêmes à la lecture de ce qui suit.
La boîte d’initiation V.O. :
Alors, c’est un vaste sujet qui a fait couler énormément d’encre lors sa sortie, autant si ce n’est plus que le livre de base lui-même, aux USA.
Mon opinion (qui rejoint malheureusement l’écrasante majorité) est simple et péremptoire : elle n’est utilisable par AUCUN joueur débutant.
La seule chose qu’elle fait bien, c’est le résumé de l’univers et de ses différents points clés. Mais c’est à peu près tout.
On pourrait débattre de tous les points problématiques durant des heures, mais ce n’est pas le sujet, et je résumerai tout ça par cette énumération :
– personnages pré-tirés buggés, avec des caractéristiques manquantes (le samouraï des rues troll n’a pas de score d’attaque à mains nues, par exemple), voire inversées entre les personnages (le troll est fan d’Urban Brawl mais c’est la naine qui écope du trait sur sa fiche),
– cartes d’équipement manquantes,
– cartes de sorts buggées pour certaines, avec les mauvaises règles imprimées dessus,
– règles manquantes purement et simplement : la decker naine n’a pas d’initiative matricielle, bien qu’on en parle dans le livret de règles de la boîte. Si on se réfère à l’historique de la magicienne orke, elle s’appuie sur des esprits et en dernier recours sur ses sorts. Les règles sur les esprits sont manquantes et absentes de sa feuille de personnage,
– les personnages de la boîte donnent l’impression que le fichier envoyé à l’imprimeur est une version inachevée, cela se voit en comparant avec le personnage de la Rigger qui est disponible en téléchargement gratuit sur le site de Catalyst. Sa feuille est bien plus complète et mieux écrite que celles de la boîte…
– quant au scénario d’introduction, “Battle Royale”, il ne convient, à mon sens, ni aux MJs débutants ni aux joueurs débutants. C’est simple: trop c’est trop.
Je suis obligé de spoiler gravement pour illustrer mon point de vue : celui-ci se veut une réinvention du fameux “food fight” que les anciens joueurs connaissent bien. Le point de départ reste identique, un Stuffer Shack, sauf que les runners se retrouvent propulsés malgré eux au beau milieu d’une guerre de gangs. Ceux-ci se disputent la capture d’une cadre corporatiste dont le véhicule a été piraté et envoyé sur le territoire contesté de pas moins de 4 des plus gros gangs de Seattle !! …
Les Ragers, les Ancients, les Spikes et les Rusted Stilettos. Rien que ça.
Que vont faire des joueurs débutants, accompagnés potentiellement par un MJ débutant ?
Eh bien l’auteur du scénario se sent obligé de préciser que des runners ne s’en laissent pas conter par des gangers…
Soit, mais en tant que joueur expérimenté, je suis tenté de dire “Ok, je ne me laisse pas faire par des gangers, mais bon sang, ils sont 4 gangs, là…Même si les runners sont parfois considérés comme des combattants d’élite, les gangers ont le nombre pour eux !!”
On est donc déjà face à un souci d’introduction.
Par ailleurs, que va leur rapporter de risquer leur vie pour aller “sauver la princesse en détresse”?
Le scénario répond à cela de manière uniquement implicite : c’est une cadre corporatiste, elle a le bras long, elle les récompensera pour l’avoir sortie de ce mauvais pas… Mais ce n’est pas écrit sur son véhicule que c’est une cadre corporatiste (hormis le fait que ledit véhicule soit de luxe) !
Au vu de la situation, il est donc possible que les joueurs souhaitent rester prudents et décident purement et simplement de faire profil bas en attendant que les choses se calment, du coup, Hop! C’est plié, fin du scénario.
Le reste n’est malheureusement pas mieux, car même si l’on a une succession de 3 scènes permettant aux joueurs de découvrir successivement les mécaniques de base du jeu, le point culminant de l’histoire est dans la même veine que ce qui est soulevé plus tôt : c’est totalement “grosbill”. Oui, on termine cette histoire en affrontant les chefs des gangs eux-mêmes ! Lolilol .
Encore une fois, l’ouvrage est censé s’adresser à des débutants qui ne connaissent pas forcément l’univers de Shadowrun et ses spécificités !
Je trouve que le scénario conduit les joueurs, si on le suit à la lettre, à accomplir quelque chose qui va nuire à son immersion future.
En effet, si les runners flanquent une dérouillée à 4 des plus gros gangs du Métroplexe (dont un ayant un troll mutant à sa tête) dès leur scénario d’introduction, comment prendre leur menace au sérieux ultérieurement, alors qu’ils font partie intégrante de l’univers de Shadowrun et contribuent à sa saveur si particulière ?
La conclusion s’impose à elle-même, la boîte d’initiation V.O. passe complètement à côté de sa cible: l’initiation. Trop de soucis éditoriaux majeurs, qui vont forcément conduire à des incompréhensions ou des questionnements, doublés d’un choix scénaristique contestable.
Nul doute que BBE est arrivé à la même conclusion que nous. Ils ont pallié ces (trop) nombreux problèmes en prenant une direction totalement opposée: écrire un scénario didacticiel fourni avec l’écran. Et n’oublions pas ceux inclus dans le supplément Free Seattle ! Tout cela vous introduira à l’univers de Shadowrun de manière bien plus appropriée.
Da Profezzur et Alban pour Shadowrun-jdr.fr
Très intéressant !
Merci! On a essayé d’être complet! Au départ l’article ne comportait que l’écran VF, mais cette critique n’était pas complète sans passer par la version original et la boite d’initiation.
C’est vraiment très instructif. Et effectivement niveau gangs c’est too much, et pas seulement pour des débutants (ou alors il faut masteriser une table de 25 joueurs et encore 😋
Très bon article merci!
C’est dingue de voir à quel point Catalyst fait n’importe quoi avec la finition des produits Shadowruns.
Ce n’est jamais facile de critiquer un ouvrage, et j’ai toujours tendance à y aller avec des pincettes, mais quand on a co-écrit cet article avec Alban, on a essayé d’être le plus factuel possible.
C’est clair que le travail que Catalyst a produit au lancement de SR6 à eu de quoi nous préoccuper…
Heureusement, la team française a fait un boulot de dingue pour corriger tout ça 😁 !
De mon point de vue, les produits de la boîte d’initiation et le livre de base ont été « rushés » pour être présentés à la Gencon, avec les conséquences que l’on connaît…. Je ne vois pas d’autre explication à un tel massacre. C’est presque du jamais vu pour une gamme comme Shadowrun, même si elle a déjà connu des couacs.